Vers la fin de la catastrophe castriste ?

En 2009, j’avais écrit « Pourquoi le Vietnam progresse et Cuba s’enfonce » : j’y décrivais un « ancien régime » cubain et sud-vietnamien loin des caricatures répandues par les  communistes, la profonde régression générée ces deux « révolutions » puis les étapes de la libéralisation pareille de l’économie vietnamienne et les grands progrès qu’elle avait engendré, tandis que Cuba s’obstinait dans un communisme dogmatique. Un voyage à Cuba en cette année 2016 permet de refaire le point.

Aucune publicité dans l’aérodrome, nous sommes bien dans un pays communiste (non, « pas de pub » ce n’est pas le paradis naguère vanté par mes amis de gauche ; c’est qu’il n’y a rien à vendre !). En ville, quelques panneaux exaltent la révolution « éternelle », mais toujours rien de commercial.  Par contre, l’Internet a fait son apparition, bien que rare, lent, cher et sans cesse interrompu, pour que la censure ait le temps d’examiner les messages disent les mauvaises langues. En résumé, un pays communiste qui commence à bouger.

Depuis 2009, le Vietnam a encore progressé mais, comme la Chine, bute sur l’obstacle politique et peine à aller plus loin. Cuba a enfin lancé des réformes très partielles, suite au remplacement de Fidel Castro par son frère Raul, vieux stalinien certes, mais qui « ne se contente pas de parler et prend des mesures concrètes » : liberté pour les paysans de vendre sur des marchés libres en complément des marchés d’État pour les aliments rationnés, possibilité de commerces privés, et liberté d’embauche pour ces derniers, liberté d’acheter et de vendre certains logements, agrément de quelques investisseurs étrangers, notamment dans l’hôtellerie et ouverture corrélative au tourisme …

Résultat, on se croirait  au Vietnam ou dans l’Europe orientale du début des années 1990. Au Vietnam pour l’avancée très progressive des réformes et le retour de l’animation urbaine autour des boutiques privées. En Europe orientale pour le splendide décor architectural européen, à demi écroulé mais en cours de restauration par les nouveaux commerçants, les étrangers ou encore l’UNESCO pour les crédits accordés aux « villes coloniales » de l’île, dont La Havane, classées «  au patrimoine mondial de l’humanité ». Les cafés et restaurants se multiplient dans les plus beaux endroits … néanmoins pouilleux et voisinant avec des bâtiments jadis splendides, mais en cours de dislocation par les racines des herbes et des arbustes qui les colonisent.

En effet, suite aux confiscations et aux exécutions de la révolution, beaucoup de propriétaires ont quitté le pays, l’État a nationalisé leurs immeubles et les a loués aux « classes populaires », puis en a transmis la propriété à ces locataires qui ne peuvent les entretenir … et n’avaient pas le droit de les vendre. Cela avant les toutes dernières réformes, qui ne vont toutefois pas jusqu’à permettre une vente aux étrangers.

Les classes supérieures ayant disparu dès le début, et les classes moyennes quelques années plus tard avec « l’offensive révolutionnaire » (suppression de toutes les activités indépendantes), reste « le peuple », appauvri par la paralysie économique générale. Touristes et habitants des ex-beaux quartiers font donc assaut d’un habillement très sommaire, celui des touristes n’étant pas le plus élégant, tandis que les résidents d’origine africaine exhibent leur musculature. Le nombre croisant d’immeubles rénovés et retrouvant leur splendeur améliore heureusement le décor. Bien sûr je parle des quartiers les plus envahis et d’autres se rénovent paisiblement.

cuba
Dans l’usine de cigares « collective », les patrons sont toujours les deux frères octogénaires. Il est frappant que la révolution soit symbolisée par une production dont la technique et la réputation datent de l’ancien régime .

Bref cela semble être le début de la fin d’un castrisme longtemps regardé avec indulgence par l’Occident. L’image de Fidel Castro et du « Che » (prononcer « ché » et ne rajoutez pas « Guevara », ça fait réac) était bizarrement romantique, s’agissant de dictateurs implacables, sanglants et calamiteux à la manière de l’« oncle Ho » au Vietnam (Ho Chi Minh, décidément vous êtes un réac indécrottable). Encore quelques années, et Cuba sera de nouveau en Occident avec ses riches étrangers dans les demeures rénovées, ses hordes de touristes et ses prostituées, dont on entrevoit déjà les ombres dans la nuit. Bref tout ce que Castro proclamait éradiquer par une révolution purificatrice. Je prévois un retour à la case départ, pour le plus grand bien d’un peuple qui a terriblement souffert près de
60 ans…

Le contraste est frappant entre La Havane et une autre ville, Carthagène (en Colombie) également grand port jadis espagnol du même Atlantique Ouest (baptisé ici mer des Caraïbes) abritant elle aussi une magnifique rade, et ayant eu la même architecture, la même histoire commerciale et militaire, la même langue, la même religion, la même population (blancs, noirs et mulâtres). Mais elle a échappé à « la révolution ». Inutile de dire laquelle est la plus moderne et la plus prospère. La différence du décor architectural, de niveau de vie et de qualité des biens et services est saisissante. Le chemin est tout tracé pour les Cubains…

Yves Montenay

Tribune également publiée dans L’Opinion

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