COP 21 : on ne sauvera pas la planète par la bureaucratie !

Comme tout le monde, je suis nul en climatologie. Je suis matheux, ingénieur et économètre de formation, j’en sais donc assez pour savoir qu’on peut me raconter n’importe quoi. Je sais en particulier qu’un système de très nombreuses équations peut aboutir à n’importe quel résultat suivant les hypothèses éventuellement inconscientes de ceux qui l’ont conçu. Je préfère en rester aux questions concrètes.

Un consensus sur les dégâts, mais …

Si l’on résume très sommairement la situation, il y a un très large consensus sur le fait que l’homme massacre la planète. Le consensus est moins net si l’on entre dans détail : ce qui sera surtout traité au niveau des États, c’est le réchauffement en traquant le CO2, thèse devenue officielle au niveau gouvernemental. Pourtant, la disparition de nombreuses espèces, le pillage d’une grande partie des fonds marins au-delà de la vitesse de reproduction des poissons, la pollution de l’air et de l’eau, l’accumulation de déchets sont des problèmes précis, graves et reconnus…  mais ce n’est pas de ça dont on va parler ! Au grand désespoir notamment les habitants de Pékin qui, ce 10 décembre, ferment toutes les fenêtres et conduisent leurs enfants à l’hôpital, leurs poumons attaqués par les résidus de charbon qu’ils respirent… et qui vont se répandre dans toute la planète !

Je ne veux pas entrer ici dans la discussion sur la validité de la méthode scientifique qui a mené à une relation entre les émissions de CO2 et la variation de la température dans les dizaines d’années qui viennent : comme dit plus haut, les équations peuvent parfaitement refléter les opinions éventuellement inconscientes des physiciens et mathématiciens, donc ne sont pas probantes. Les constatations de terrain (fonte des glaciers, recul de la banquise arctique, déplacement de certaines espèces, humains compris, vers le nord …) sont plus intéressantes à mon avis. Mais là non plus il n’y a pas de certitude absolue : la terre est suffisamment complexe pour que chacun trouve des exemples confirmant sa thèse.

Un débat pollué par l’idéologie

Si le débat était objectif et sans arrière-pensée, on privilégierait ce qui est évident pour tout le monde, ce qui serait déjà un très vaste programme, et on éviterait les querelles du genre « dans quelle mesure est-ce dû à l’homme ? », ou « les pays anciennement industrialisés sont responsables et doivent donc payer », voire « ce sont les entreprises et le capitalisme qui sont responsables, il faut les encadrer par des réglementations contraignantes » comme rappelé une fois de plus par les manifestants parisiens du 29 novembre 2015.

Une partie des écologistes sont en effet des idéologues : pour eux, l’action publique est efficace et l’action privée néfaste. Il n’est pas étonnant que les dirigeants politiques souscrivent à cette idée. Surtout s’ils sont dirigistes et bureaucratiques comme ceux qui dirigent la majorité de la population mondiale, les États-Unis dans une certaine mesure, et surtout la Russie, l’Inde et la Chine pour prendre les plus importants.

L’histoire économique a pourtant montré la faillite humaine et économique de ces systèmes. Le grand retard de développement de ces trois derniers pays et de bien d’autres en témoigne. C’est le secteur privé, avec l’innovation et sa mise en œuvre qui sera le plus efficace, les États pouvant tout au plus cesser d’empoisonner la planète avec, par exemple, les subventions au maïs pour les biocarburants aux États-Unis, dont la production consomme plus d’énergie que le pétrole, ou celles à l’éolien qui ont renchéri le coût de l’électricité. Ces subventions auraient été mieux employées dans la recherche énergétique. Citons également l’exemple de l’abandon du nucléaire en Allemagne sous la pression des écologistes, qui s’est traduit par l’augmentation importante du prix de l’électricité et des émissions de CO2 suite à l’obligation d’ouvrir de nouvelles centrales à charbon. Et surtout la catastrophe mondiale que sont les subventions massives à l’usage du pétrole et du charbon dans la plupart des pays du Sud, Chine et Arabie comprise (pour la seule Chine, le FMI note 2 300 milliards de subventions, source Novethic).

Non seulement cela accroît la consommation de ressources limitées (l’Angleterre a épuisé son charbon, et est en train d’épuiser son pétrole), mais cela accroît la ruine des budgets gouvernementaux et empêche la recherche et le développement en matière énergétique. Certaines très grandes entreprises ressemblent d’ailleurs à des États, non seulement par leur bureaucratie mais aussi par leur inertie : chez les pétroliers les investissements de plus en plus massifs pour pour aller chercher les dernières gouttes de pétrole au fond des mers ou sous la glace se font au détriment de leur reconversion. Certes il y a maintenant le gaz de schiste dont j’ai été un des premiers à souligner l’importance (La nouvelle géographie de l’énergie, publié sur le Blog Turgot dès février 2010), mais il a été principalement le fait de petites entreprises capitalistes classiques.

Ce dernier point a au moins l’avantage de nous rappeler l’inventivité et la réactivité de l’initiative privée, capitaliste en l’occurrence.

Les solutions privées

Je prends ici le mot privé au sens large : entreprises, associations, initiatives individuelles et même municipalités ou tout autre organisme autonome ayant à gérer des fonds ou des problèmes concrets immédiats et visibles. Les reportages abondent sur toutes sortes d’actions efficaces.

Une partie du mouvement écologiste a pris conscience de l’importance primordiale de cette action privée, et notamment de celle des entreprises, et s’en est rapproché. Ce sont évidemment des « traîtres » pour les idéologues.

Que peuvent faire les entreprises ? D’abord de la recherche. Certes en France on a le réflexe « recherche publique » (université, CNRS…). On entend un peu parler aussi de celle des grandes entreprises notamment pharmaceutiques, mais en dehors du milieu spécialisé, les multiples inventions de « jeunes pousses » (start-up) en matière de recyclage et d’énergie sont beaucoup moins connues, or c’est fondamental pour le solaire et l’éolien. Un des résultats récents les plus importants est la baisse du prix des panneaux solaires qui bouleverse les prévisions de ces dernières années.

Outre la recherche, les entreprises sont particulièrement efficaces en matière de développement et de tri et, guidées par les marchés, réagissent beaucoup plus vite et de manière moins coûteuse que les administrations. Enfin, elles ont une vue internationale et investiront « écologiquement » là où c’est le plus efficace, contrairement aux États qui ont tendance à investir chez eux. Or dans les pays relativement « propres » toute action supplémentaire est infiniment moins rentable en termes de pollution que dans les pays du Sud, Chine comprise : les mêmes sommes arrêteront toutes sortes de catastrophes qui n’existent plus depuis longtemps au Nord.

Que pourraient faire d’efficace les États ?

Compte tenu des erreurs passées, j’ai évidemment les plus grands doutes sur le sujet. Néanmoins la grande sensibilisation qui a donné lieu à la réunion actuelle est un phénomène important, dû en partie à la réaction de la population chinoise, particulièrement atteinte (mais plus par la pollution que par les températures). Cette sensibilisation internationale devrait être utilisée au mieux.

Quelques exemples :

– mieux orienter la recherche publique, ce qui ne pourra pas aller très loin compte tenu des difficultés budgétaires et, plus encore, du fait de l’inertie de la fonction publique qui ne permet pas « déshabiller » ou de réaffecter des équipes de recherche qui tournent sur d’autres sujets, d’autant que les compétences sont souvent très différentes,

– lancer sur le plan international un marché efficient du carbone ou une taxe sur ce produit. Outre l’effet direct sur l’arbitrage entre sources d’énergie, ce serait une forte incitation à la recherche privée, et pourrait avantageusement remplacer des impôts ou charges destructeurs d’emplois. Nous disons « un marché efficient » car les essais effectués jusqu’à présent ont tourné court du fait de la distribution d’un trop grand nombre de crédits carbone, dont le prix s’est donc effondré.

– concentrer les moyens là où ils sont utiles et notamment au Sud. Le principe semble acquis. Mais il faut tirer la leçon de l’aide au développement : donner des crédits à un État dont la direction et l’administration sont corrompus ou simplement indifférents n’est pas la solution. Là aussi l’entreprise privée, au sens large donné ci-dessus, sera beaucoup plus efficace, d’autant que par exemple la coopération Nord-Sud entre municipalités est déjà bien rodée,

– couper court à l’hostilité au nucléaire, qui est un besoin urgent pour l’Inde et la Chine (et donc pour l’ensemble du monde), qui vont d’ailleurs se débrouiller sans nous. On voit ce que le dogme antinucléaire a coûté à l’Allemagne. Certes une autorité de sécurité internationale peut être envisagée pour éviter certaine négligences catastrophiques (Tchernobyl, Fukushima), mais là, nous sortons de notre sujet,

– arrêter la surpêche dans les eaux internationales, qui le fait d’un petit nombre de pays et de bateaux, ce qui serait assez facile si les États pouvaient s’appuyer sur un accord international pour faire face aux groupes de pressions des navires-usines,

– et surtout l’arrêt des subventions aux énergies traditionnelles.

On voit que ce programme est fort différent de l’ordre du jour de la réunion de l’actuelle COP21.

En conclusion

Arrêtons les querelles plus ou moins scientifiques et attaquons-nous aux problèmes concrets. Pour ceux qui tiennent à la priorité à la réduction des gaz à effet de serre, rappelons que réduire les pollutions y contribuerait largement. Pour ceux que cette polarisation sur le CO2 agace, rappelons que tout ce qui diminue le poids du pétrole diminue aussi celui du wahhabisme. On parle d’un lobbying intense de l’Arabie pour contrer tout ce qui pourrait diminuer la consommation de pétrole…

Par ailleurs, ceux qui s’obstineraient néanmoins à des réglementations étatiques au détriment de l’efficacité dévoileraient leur arrière-pensées idéologiques. Malheureusement les postures politiques à visées électorales ou d’affirmation de pouvoir peuvent biaiser les décisions.

Yves Montenay

Je remercie au passage l’Opinion d’avoir publié mon billet sur ce même thème  « La CO21 : soigner la planète par la bureaucratie ? » .

2 commentaires sur “COP 21 : on ne sauvera pas la planète par la bureaucratie !”

  1. Le problème traité par la COP21 n’est pas la pollution mais la température du globe dont on nous assure qu’on peut l’augmenter ou la baisser à notre gré comme dans cette publicité pour le chauffage électrique ou une bourgeoise se couvre de ridicule en demandant devant un feu de bois si on peut baisser le chauffage d’un demi degré…

    Bien sur qu’il faut passer au nucléaire ! La France, meilleur élève de la classe, devrait pouvoir couvrir tous ses déficits si pour continuer de se chauffer au charbon, l’Allemagne et la Chine lui rachetait tout le carbone qu’elle (la France) économise…

    Par contre je m’étonne que vous, sérieux comme vous êtes, vous vous intéressiez à ce sujet. Alors que la peine de mort a été rétablie pour les climato-sceptiques, elle ne l’est pas encore j’espère, pour les accords-contraignant-sceptiques, au vu de l’enfumage basé sur le volontariat auquel nous a conduit les quinze jours de campagne électorale mondialisée que nous a infligé l’union de la gauche.

    1. « Le problème traité par la COP21 n’est pas la pollution mais la température du globe »
      C’est bien ce que je lui reproche, mais pour être constructif je propose un objectif commun aux zélotes et aux sceptiques qui est la réduction de la pollution et du gâchis (voir mon article), atteignable si on passe par les entreprises et non par des Etats ou l’ONU

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