Hervé Mariton, Frédéric Lefebvre, François Fillon, Nadine Morano, Bruno Le Maire, Jean-Frédéric Poisson, Alain Juppé, Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy et Nathalie Kosciuzko-Moriset. | AFP / Reuters / Ouest-France

Primaire à droite : « Tout dire avant pour tout faire après » est une grave erreur politique

Les programmes économiques des candidats de la droite effraient certains électeurs, en particulier les fonctionnaires. « Tout dire avant pour tout faire après » les fera perdre en 2017.

Les sept candidats à la primaire de la droite débattront pour la première fois ce soir , en « prime-time » sur TF1. Tous, promettent de revenir sur les 35 heures , de réduire la dépense publique, de relever l’âge de départ à la retraite ou encore d’alléger les charges pesants sur les entreprises. Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy jurent de « tout dire avant pour faire après ». Alain Juppé, lui, applique la même méthode, sans le dire.

Ces malheureux candidats sont scrutés par les libéraux, qui les somment de préciser sans cesse les réformes nécessaires, en pensant que c’est l’assurance qu’ils les mettront en œuvre une fois élus. Mais c’est la meilleure façon de les faire battre !

En politicien expérimenté, François Hollande s’est engouffré dans la brèche. « Ce que j’ai fait ne compte plus » nous dit-il, coupant court à toute critique sur son bilan, « Ce qui compte aujourd’hui c’est d’empêcher que les réactionnaires ne s’attaquent à vos droits acquis ; je suis de gauche et vous protégerai »

Des sujets sensibles: la fonction publique, les retraites

En effet, une part importante de l’électorat se sent menacée. Prenons par exemple les fonctionnaires. Ils n’ont certes rien à craindre pour leurs postes, mais peut-être les recrutements seront-ils réduits, et donc leurs enviables fonctions moins accessibles à leurs enfants. C’est une puissante motivation pour voter pour le statu quo.

Idem pour les retraites : non seulement la droite pense (à juste titre) qu’il faut relever l’âge de départ pour tous, mais les fonctionnaires partant aujourd’hui plus tôt, voire beaucoup plus tôt, ont davantage à perdre que les autres. Et cela non seulement en années supplémentaires de travail, mais aussi – horreur – en montant de leur pension si le mode de calcul se rapproche de celui du privé. Peut-être même les obligera-t-on à travailler effectivement 35 heures !

Un électorat de poids

Il se trouve que j’ai été contractuel à un poste de direction dans la fonction publique, et que j’en garde un souvenir catastrophé. Autant beaucoup d’individus de tout niveau accomplissaient leurs tâches avec dévouement et intelligence, autant la mécanique d’ensemble ruinait leurs efforts.

J’ai entendu « Certes fermer les yeux sur tel abus n’est pas normal ; certes distribuer des jours de congés supplémentaires ne l’est pas non plus. Mais il faut bien alimenter le dialogue social ».

J’ai même entendu « Si vous voulez changer ceci (mettre fin à un quasi-sabotage), je ferai appel aux syndicats et c’est votre contrat qui sautera », ce qui s’est effectivement réalisé … et m’a rapporté une petite fortune, la décision étant injustifiable et les « responsables » craignant les conséquences sur leur carrière d’un procès perdu. J’attends toujours les accusations de diffamation sur cet épisode.

Or les fonctionnaires forment une large partie de l’électorat, peut-être un petit tiers, avec les salariés du public et leurs familles (le nombre exact dépend de la définition donnée). Leur planter des banderilles ne facilitera pas l’élection des candidats ayant affiché leur souci de réforme.

Éviter d’effrayer

Je vois, direz-vous, vous voulez tromper cette catégorie d’électeurs en leur cachant les réformes nécessaires. Un peu, je l’avoue, car je préfère un libéral pragmatique élu, à un libéral affirmé non seulement battu, mais qui aurait fait élire un nouveau candidat catastrophe, que son étiquette soit ou non de gauche.

En effet, ce que je viens d’exposer pour les fonctionnaires peut s’appliquer au vote d’autres couches d’électeurs pouvant craindre, à tort ou à raison, d’être bousculés par les réformes. Et même si c’est à tort, les candidats non libéraux s’évertueront à les effrayer. Alain Juppé doit avoir quelques souvenirs en la matière !

Liberté chérie

Que serait donc ce libéral pragmatique pouvant être élu ? Quelqu’un proclamant des principes consensuels pouvant avoir une application libérale : liberté de choix, liberté de conscience, liberté contractuelle dans les relations de travail… Et qui répondrait aux demandes de précision : « A voir après consultation des personnes compétentes et des intéressés ». Ce qui serait de toute façon nécessaire et utile pour toute promesse précise faite en cours de campagne.

Mais, rajouterez-vous, que faites-vous de tout ce travail de réflexion sur les réformes, par exemple celui de l’IFRAP ? Il est excellent et doit continuer. Il est bon que les idées progressent et se précisent, justement pour que « les personnes compétentes » soient préparées aux consultations que je viens d’évoquer.

Mais ce travail de réflexion n’est pas celui d’une campagne électorale. À chacun son rôle.

Cet article a également été publié par Le Cercle Les Echos sous le titre « Primaire à droite : « tout dire avant pour tout faire après » est une grave erreur « 

2 commentaires sur “Primaire à droite : « Tout dire avant pour tout faire après » est une grave erreur politique”

  1. La suppression massive du nombre de fonctionnaires préconisée par les candidats (jusqu’à 600 000 pour certains) de la droite n’est pas sérieuse à moins de provoquer une véritable purge de la fonction publique, une explosion du chômage (plus aucun recrutement ou presque pendant 5 ans !!)ainsi qu’un effondrement desdits services publics (pas de remplacement des fonctionnaires partant à la retraite, recours massif à des contractuels entrainant une baisse sensible de la qualité des services, désorganisation durable de l’Etat….etc).Sous cet angle le programme de certains candidats de la primaire de droite (Fillon, Lemaire en premier lieu) est tout simplement catastrophique.

    1. En économie, il faut tenir compte de la contrepartie : la somme économisée pourrait aller à l’enseignement privé, moins coûteux et plus demandé. Les expériences internationales montrent que la privatisation de services municipaux peux être très efficace.
      Le statu quo est donc si parfait qu’il ne faille pas chercher à le changer?

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