Nicolas Sarkozy pas assez «convenable» pour les Français ?

Sarkozy semble être le reflet d’une partie de la France, qu’une majorité de Français juge peu «convenable». Autrement dit : ceux qui, comme l’ancien Président, sont fiers de leur notoriété et de l’argent qu’ils ont gagné.  Pourquoi Nicolas Sarkozy, battu à la présidentielle de 2012 et à la primaire de la droite et du centre, a-t-il été rejeté par les Français ?
Précisons que nous ne parlerons pas de son idéologie ou de sa stratégie électorale, mais des motivations profondes de son rejet, notamment à la lumière du «phénomène Trump» et des réflexions sur l’opposition entre «les élites», terme imprécis, et le reste de la population.

En simplifiant, disons qu’un certain type d’élite est apparu dans les démocraties représentatives, que l’on pourrait appeler «les gens convenables», tels Hillary Clinton ou Alain Juppé, souvent très diplômés, dont les nombreux énarques de droite et de gauche en France. Cette élite est régulièrement concurrencée par des candidats moins classiques comme Georges Marchais, Bernard Tapie, ou, justement, Donald Trump.

Ceux qui méprisent l’argent

En France la plupart des candidats ou élus sont des fonctionnaires ou des salariés, grands patrons compris, ou encore proviennent de professions libérales abritées (notaires, pharmaciens…). Leurs revenus sont assurés pour un temps assez long, voire à vie pour les hauts fonctionnaires, ce qui leur donne une certaine sérénité de ton et d’attitude. Ils peuvent même se permettre de mépriser l’argent, soit, sincèrement, soit hypocritement en assouvissant ce besoin très humain par des moyens détournés.

Ces moyens peuvent être totalement illégaux, dont quelques-uns ont été révélés par les médias. Ils peuvent être plus originaux : François Mitterrand était célèbre pour n’avoir jamais d’argent sur lui et tout faire payer par des courtisans empressés, sans parler de moyens moins directs. Il est bien sûr très loin d’avoir été le seul. Sans aller jusque-là, les grands élus ont en général des revenus, et souvent des avantages en nature, disons, solides.

Ceux qui y sont attentifs

En face, une frange de la population, nouveaux entrepreneurs, commerciaux ou consultants doit conquérir de haute lutte des clients un par un pour ses revenus des prochains mois, puis doit les garder précieusement en entretenant une certaine complicité avec eux. Ce sont des gens perpétuellement sur le front et prenant des risques personnels.

Il en résulte un certain style d’homme ou de femme, plus offensif, bousculant parfois ses interlocuteurs, rompu à nouer des amitiés intéressées, forcément très attentif à l’argent et fier de celui qu’il a pu gagner. Ils sont admiré par une partie importante de la population, comme en témoignent les résultats électoraux, mais sont considérés comme «moins convenables», voire vulgaires par d’autres, d’autant que beaucoup de Français ont envers l’argent l’attitude un peu méprisante des gens de civilisation catholique.

Ainsi, un Nicolas Sarkozy dynamique, agressif au sens commercial du terme, et fier de ce qu’il a gagné en argent et notoriété, a été un bon candidat, mais, une fois élu à un poste demandant une grande dignité ne pouvait qu’indisposer de larges couches de la société française. De même, toujours en pensant au souci des meilleurs commerçants de fidéliser leur clientèle, voire à la transformer en club de «fans» (voir Apple) ou «d’ambassadeurs de sa marque», il a su se créer une foule de fidèles chez les militants des Républicains.

Mentalité française

Finalement, indépendamment des désaccords sur le fond entre Nicolas Sarkozy et ses adversaires, qui relèvent du débat d’idée démocratique, la virulence de l’anti-sarkozysme ne serait-elle pas d’abord le reflet d’une certaine mentalité française préférant le confort et les bonnes manières à une activité brutale ?

Rappelons-nous du candidat qui voulait être «un président normal», par anti-sarkozysme justement ? Mais la géopolitique et l’économie mondialisée sont malheureusement, elles, fort brutales, comme nous le rappellent régulièrement Vladimir Poutine et bien d’autres, dont les bonnes manières ne sont pas le souci principal.

Yves Montenay

Merci au Cercle Les Echos d’avoir publié cette tribune

7 commentaires sur “Nicolas Sarkozy pas assez «convenable» pour les Français ?”

  1. Cette analyse est pertinente. Cependant je pense que Sarkozy face à tous les Français n’aurait pas été rejeté aussi brutalement. Il a eu tort de vouloir affronter des adversaires sérieux, pour la plupart sans casseroles derrière eux ou ayant purgé leur peine comme Alain Juppé. Les Français plutôt âgés, souvent retraités ont éliminé celui qui, pour eux, c’est comporté souvent comme un « voyou ». Ils ont finalement choisi celui qui est propre sur lui.

  2. Le style du personnage a surement joué un rôle dans son rejet. Mais je pense que son électorat aurait pu vivre avec s’il avait traité les problèmes de structure du pays au lieu de s’agiter dans tous les sens.

    1. Vous êtes tous les deux proches des milieux d’entreprise. Vous connaissez donc des commerciaux sans lesquels l’entreprise ne marcherait pas, et qui ont souvent une déformation professionnelle qui les rend agaçants aux yeux de beaucoup de gens. Oublions le cas de Sarkozy et réfléchissons au fait que non seulement nos politiciens fonctionnaires, mais aussi nos ingénieurs inventeurs ont négligé le côté commercial et sont fait doubler par les Américains, les Anglais, les Allemands, les Néerlandais … (je simplifie), y compris pour l’exploitation commerciale d’inventions françaises. Cela parce parce qu’ils jugent vulgaire de penser à l’argent, au succès et d’agir en conséquence. Parfois je me dis qu’ils préfèrent un « déclin digne » à un rôle dans la bagarre mondiale. Pour reprendre une vieille formule : « vaut-il mieux avoir les mains sales ou ne pas avoir de mains ? ». Espérons que les nouveaux venus auront à la fois des biceps et des mains propres !

  3. L’écologie ça commence à bien faire : inoubliable.
    Sa complicité avec les chasseurs : ça se paie .
    Son attitude avec l’ancien maître de la Libye : fatal.
    L’instituteur et le curé : impardonnable
    Le reste : comme les autres , pas mieux ….

    1. J’avais bien dit qu’on ne parlerait pas de sa politique, mais de la raison pour laquelle une partie des Français rejetaient son style. Est-ce parce que les gens ayant des arrières assurées peuvent se permettre d’être plus sereins que les autres ?

  4. Vous avez raison de considérer exclusivement la personnalité (rejetée) de Sarkozy. Je me permettrais une théorie transgressive qui considère le racisme implicite de la société française. Sarkozy s’est mis à représenter simultanément deux sortes de caractères autoritaires: celui du voyou immigré qui s’impose et celui du policier sévère qui opprime. Le mélange des deux fut explosif auprès d’une opinion dont le racisme stimulé par lui entra en collision avec une apparence « orientale » revendiquée. Un antisémitisme sacrificiel non explicité se mit ainsi à l’oeuvre. En tout cas son rejet, consommé alors qu’il était président fut absolument viscéral, mais resta mystérieux. My two cents, comme disent les américains.

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