Échos du monde musulman N° 251 – 6 mars 2015

Dans ce numéro, vous verrez que les frères musulmans se rappellent au bon souvenir des Égyptiens, que la coalition rassemblée pour s’opposer à l’Émirat Islamique est de plus en plus « bizarre », qu’avoir proclamé le berbère «national » en Algérie ne résout rien et qu’un vide s’annoncerait au sommet de l’Iran.

Les Frères Musulmans contre-attaquent à partir la Turquie

Les « Frères » étaient financés par le Qatar et appuyé par sa chaîne Al-Jazira. Mais ce pays s’est fait sévèrement tancer pour cela par l’Arabie et les Émirats, tandis qu’Al-Jazira perdait une part de sa crédibilité. Le Hamas, proche des Frères, a trop de problèmes pour les accueillir. Ils semblent donc s’être repliés en Turquie, ce qui par ailleurs confirme la dérive (ou la nature profonde, au choix) du parti au pouvoir, l’AKP du président Erdogan.

En particulier, les Frères y disposent d’une chaîne de télévision qui diffuse des extraits de conversations qui auraient été piratées lors de réunions du président égyptien Sissi avec ses conseillers, extraits bien entendu choisis pour faire rire à ses dépens. Vous savez que le régime emprisonne, et souvent exécute, des milliers de sympathisants des Frères. Ce qui ne l’empêche pas de frapper également les démocrates qui avaient appelé le général Sissi au pouvoir, justement éliminer les Frères …

Les bizarreries de la coalition anti Emirat Islamique, suite

Même si l’Iran et les États-Unis finissaient par trouver un accord sur le nucléaire dans les jours qui viennent, la République Islamique resterait en désaccord profond avec les autres membres de la coalition anti EI, et notamment avec l’Arabie et les Émirats.

Ces bizarreries se reflètent dans l’offensive du gouvernement irakien contre la ville de Tikrit actuellement contrôlée par l’EI, et probablement sympathisante s’agissant de la ville natale de Saddam Hussein, dont les officiers seraient l’épine dorsale militaire de l’EI.

Cette offensive est principalement menée par les milices chiites et ouvertement soutenue par l’Iran avec la présence de personnes sur la liste américaine des terroristes. La coalition n’y joue aucun rôle :  » Le gouvernement irakien ne l’a pas demandé  » a précisé le Pentagone. Certaines milices chiites sont hostiles à la coalition : «  Notre ennemi numéro un, ce sont les USA.  »

Malgré les déclarations du gouvernement irakien, le contexte est visiblement à la revanche des Chiites contre un groupe sunnite qui les a plusieurs fois massacrés, ce qui ne va pas dans le sens du ralliement des sunnites contre l’EI. Les habitants fuient d’ailleurs la ville.

Israël et l’argent palestinien

Je parle peu du conflit israëlo-palestinien, car les passions sont tellement vives que les deux camps me considéreraient comme un ennemi même si j’en restais aux faits les plus bruts. Je refais néanmoins petit essai, toujours en m’en tenant aux faits bruts.

Vous savez que le commerce palestinien passant par Israël, c’est ce dernier qui collecte les taxes et les reverse à l’Autorité Palestinienne (AP). Vous savez que cette autorité a adhéré au Tribunal Pénal International, ce qui a doublement mécontenté Israël, d’une part parce que c’est se comporter en État, et d’autre part parce qu’on peut imaginer des recours palestiniens accusant Israël. À titre de représailles, Israël a suspendu le reversement des taxes à l’AP, et The Economist du 28 février s’est penché sur la question.

Ce journal pense que, Israël étant en campagne électorale et le premier ministre Nétanyahou ayant besoin des voix de droite, la suspension de ce versement peut durer jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement, donc plusieurs mois. L’AP ne pourrait plus payer ses fonctionnaires, ce qui accroîtrait le mécontentement en Cisjordanie et paralyserait l’entente entre l’AP et le Hamas, qui y voyait l’espoir du paiement de ses propres fonctionnaires. Les forces de sécurité israéliennes sont également inquiètes, car elles sont largement aidées par leur coopération avec celles de l’AP, coopération qui vient d’être suspendue en représailles de cette asphyxie financière. De toute façon cette coopération ne peut résister à un trop grand mécontentement de la population palestinienne, d’autant que le président de l’AP, Mahmoud Abbas, qui permet discrètement cette coopération, approche de ses 80 ans et est affaibli par l’absence de résultats du « processus de paix ».

L’éternelle question des langues berbères en Algérie, suite

Résumé d’un article El Watan du 18 août 2014 (ce n’est pas récent, mais n’est pas grave pour un problème qui a 53 ans).

Il y a 20 ans était lancé l’enseignement du (ou en) tamazigh (berbère, je passe sur l’imprécision de ce terme dans l’enseignement et ailleurs), proclamée depuis « langue nationale ». Le résultat est catastrophique, quantitativement et qualitativement. L’enseignement reste facultatif, et est souvent abandonné sauf en Kabylie (pour ceux qui ne connaissent pas l’Algérie, il y a d’autres régions berbères et de plus, une langue nationale devrait théoriquement être enseignée partout, comme l’est l’arabe et dans une moindre mesure le français).

D’après Mouloud Lounaouci, sociolinguiste et membre fondateur du mouvement culturel berbère, il n’y aura de progrès que si le berbère devient officiel, c’est-à-dire obtient un statut juridique en faisant une des langues d’expression de l’État et de l’administration et une langue avec laquelle on puisse gagner sa vie. Il rajoute que « techniquement » la langue officielle de l’Algérie est le français et que sa non reconnaissance, comme celle du berbère, est purement idéologique (le français est parlé et écrit, les berbères parlés mais non écrits, l’arabe standard écrit, mais non parlé, sauf, justement, dans les discours officiels).

En attendant, les Kabyles se consolent en recyclant dans leur langue les vieux succès de la chanson française.

Un vide au sommet de l’Iran?

L’ayatollah Khamenei, 75 ans, serait hospitalisé dans un état critique du fait d’un cancer de la prostate en phase terminale. Son espérance de vie serait « d’environ deux ans » (Le Figaro). Il se porterait mieux depuis son opération du 8 septembre, mais on ne dispose que de photos officielles difficilement datables.

Le guide suprême avait jusque-là exercé très vigoureusement son pouvoir, y compris sur les présidents élus au suffrage universel, au nom de son contact direct avec Dieu, d’où le surnom donnés par les contestataires : « l’homme au portable ». Son indisponibilité créerait donc un vide dont les conséquences sont difficiles à évaluer, notamment sur les négociations relatives au nucléaire.

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